LEGENDE DE BEAUMONT
Sur une butte de St Laurent, un manoir à tourelle profile ses lignes élancées à travers celles des arbres. Restauré au XIX ème siècle, il fut aussi simplifié par rapport à l’original du XV ème siècle qui le précéda et qui, lui, devait être le siège d’une maison notable, ses résidents qualifiés seigneurs de Beaumont Leurs noms ? Les Guillote, les Marcadé, les Gonidec…mais personne ne saurait dire à laquelle de ces familles appartenait le chevalier Geoffroy promis à un destin de légende :
Son vieil écuyer, Maître Pierre partageait sa solitude et sa demeure. Un soir que Geoffroy revenait de la chasse, son serviteur fut surpris de le voir accompagné d’un guerrier couvert d’un costume éclatant : le Duc l’invitait à bouter l’anglais dehors et le vassal obéissant, chevauchait le lendemain vers Vannes, accompagné de quelques autres chevaliers revêtus pareillement de la cuirasse et du heaume.
Or un beau jour, Messire Geoffroy revint à Beaumont avec, à ses côtés, une jeune et charmante damoiselle, son épouse. Seul Maître Pierre, tué dans la bataille, manquait au retour et un nouvel écuyer au visage dur et cruel, Hugues, le remplaçait.
Un an plus tard, il vint annoncer à l’issue d’une grande messe, aux paroissiens assemblés, que leur maître aimé et sa gente compagne, Seigneur et Dame de Beaumont, avaient pris tous deux le chemin de la Terre Sainte pour y accomplir un saint vœu.
Les jours, les mois et les années passèrent, les croisés ne rentraient pas. Enfin, l’écuyer fit savoir qu’ils avaient été malheureusement occis par les Sarrasins et que leur mort le laissait, lui, en la paisible propriété de la Seigneurie de Beaumont.
Disait-il la vérité, Maître Hugues ? Toujours est-il que de Malestroit jusqu’à Rochefort et Rieux les bruits les plus étranges se mirent à voler de bouche en bouche sur le compte du nouveau seigneur : il avait assassiné ses maîtres pour s’approprier leurs biens, encore mieux, Geoffroy et sa femme étaient emmurés vivants dans les abîmes du château et, parfois, on entendait dans la nuit obscure sortir de leurs profondeurs des gémissements étouffés de douleur et de désespoir !
Sur ces entrefaites, Beaumont fut incendié d’une façon très mystérieuse : habitants, richesses, logis furent la proie des flammes et l’on ne sauva du fléau que ce qui reste aujourd’hui de l’antique manoir. Chose horrible ! On avait entendu s’élever du milieu du brasier ardent la voix de Maître Hugues dont les accents affolés imploraient la pitié et confessaient qu’il était l’assassin de ses bienfaiteurs.
Une nuit du siècle dernier, le propriétaire de Beaumont fut réveillé par un bruit étrange : des pas semblaient se précipiter vers l’escalier tournant. Il crut tout d’abord à la promenade nocturne de quelque animal en quête de pâture, mais bientôt le doute ne fut plus permis, on marchait dans la solitude de la tour. Intrigué il se leva, alla jusque dans l’escalier, mais plus il descendait, plus les pas fuyaient et descendaient eus aussi. Toujours précédé de son invisible visiteur, il pénétra dans une espèce de souterrain dont l’existence était demeurée inconnue jusque-là et le bruit, comme par enchantement, cessa au pied du mur.
Dès le lendemain, il ordonnait de l’abattre et un spectacle impressionnant s’offrit aux fouilleurs. Deux squelettes humains se dressaient devant eux, debout, côte à côte, scellés par une ceinture de fer à l’une des parois d’un petit caveau voûté.
Quelles étaient ces tristes dépouilles ? Demandez aux habitants de St Laurent et de St Congard : ils vous diront que ces restes sont ceux du malheureux seigneur Geoffroy et de sa compagne, emmurés par leur criminel écuyer.
“Historiques des communes de Bretagne – Manoirs et Contes de Légendes”